Gilbert Sinoué, "La Reine crucifiée"

 

Au cœur du XIVe siècle, entre 1340 et 1367.
Entre les royaumes du Portugal et de Castille, s'est écrite une très belle page d'Histoire. Dom Pedro, futur roi de Portugal, fils d'Afonso IV et de la reine Béatrice, obéit à son père en épousant doña Constanza. Or, le jour même des noces, Pedro succombe au charme dévastateur d'Inès de Castro, une des suivantes de sa nouvelle épouse. Ils ont 20 ans tous les deux et se laisseront entraîner par leur passion, quelles qu'en soient les conséquences.
Dans le même temps, en Avignon devenue cité pontificale, le pape Benoît XII apprend qu'on vient de voler un document d'une valeur inestimable au Latran, à Rome. Il s'agit d'une carte maritime que les grands rois d'Occident rêvent d'obtenir : elle conduirait vers le royaume du prêtre Jean, un pays aux richesses infinies qui se situerait aux Indes.

Deux choses m'ont un peu gênée : d'abord, les lettres passionnées échangées par les amants, que j'ai parfois trouvées un peu ennuyeuses ; ensuite, le personnage de l'infant Pedro qui m'a paru faible, peu honorable et capricieux. Heureusement, son fidèle conseiller berbère, le spirituel Massala, compense largement à mes yeux le côté pitoyable de son jeune maître : il offre au roman plusieurs passages formidables qui comparent la religion catholique aux croyances musulmanes, des passages riches, pleins de bon sens et invitant à la tolérance :

"Incroyant par rapport à qui ?
Ne sommes-nous pas toujours l'incroyant de quelqu'un ?"

Malgré les deux petits points faibles cités plus haut, il s'agit d'un bon roman historique, agréable à lire, mêlant amour, intrigues politiques, histoire religieuse et combats grandioses.
La plupart des personnages cités ont bien existé, y compris la pauvre Inès de Castro, descendante du Cid ; une femme manipulée, adorée, détestée, éloignée, assassinée et qui fut couronnée reine de manière posthume : sinistre cérémonie...

Inès de Castro avec un des fils qu'elle donna à Pedro.

La saudade, cette mélancolie, ce spleen propre au peuple portugais, que l'on retrouve dans la littérature de ce pays, est aussi particulièrement bien rendue.

"C'est dans le franchissement des océans que nous perpétuerons notre grandeur."

Quant à la carte que tous veulent retrouver, attestée historiquement, elle n'était sans doute qu'un faux mais a donné lieu à bien des explorations, celle de Marco Polo en tête. Cette intrigue secondaire nous mène d'ailleurs jusqu'à la Cité des Papes provençale que j'ai arpentée il y a quelques années : j'ai aimé y retourner, accompagnée des cardinaux et du grand Pétrarque, cité deux ou trois fois. Merci, Choco-Mum, pour le prêt ! ^_^ Roman lu sous le mistral...
388 pages