Arturo Perez-Reverte, "Le Cimetière des bateaux sans nom"

"J'ai navigué par les océans et par les bibliothèques", avait-il lu quelque part. (chez Herman Melville, dans Moby Dick)

De nos jours (enfin à peu près, 1999 très exactement), en Espagne. Manuel Coy est un matelot sans bateau. Contraint à 2 ans d'exil loin de la marine marchande en raison d'une erreur d'aiguillage, notre loup solitaire se rend, pour tuer son ennui, à une vente aux enchères proposant différents articles en lien avec la marine. Dans la salle, plusieurs acheteurs se battent à coups de billets pour obtenir un objet peu commun : une carte maritime sphérique datant du XVIIIe siècle. S'affrontent pour l'acquérir un nain mélancolique, un homme au sourire de squale ainsi qu'une charismatique jeune femme. Marquée par un album de Tintin, Le trésor de Rackham le Rouge, la belle mais potentiellement dangereuse Tanger Soto travaille pour le musée naval de Madrid. Cela dit, veut-elle à tout prix obtenir la carte d'Urrutia pour l'établissement qui l'emploie ou pour son propre compte ? C'est ce que Coy, follement épris de Tanger, va tenter de déterminer en la suivant à travers sa quête du "Dei Gloria", un bateau envoyé par le fond en 1767, lors d'un combat contre un mystérieux navire corsaire. Rien de romantique, plutôt ce genre d'aventure-là :

Mystère, suspense, religion, chasse au trésor, passion, cadre aquatique : ce roman est un bijou ! Il m'a emportée à travers ses chapitres aux titres merveilleux, de salles d'archives en bibliothèques, jusqu'à bord d'un voilier. Les références littéraires (Melville, Homère, Stevenson, Conrad) ne manquent pas et Perez-Reverte maîtrise son récit de bout en bout ; je n'avais absolument pas vu venir le twist de la fin. Le style est redoutable et la traduction semble de qualité, ce qui ne gâche rien.

Enfin, j'ai apprécié la référence à Corso, le bouquiniste sans scrupules de Club Dumas (devenu "La neuvième porte" chez Polanski, film dans lequel Johnny Depp prête ses traits au personnage) qui, en plus du livre du diable, achète et revend aussi de vieilles cartes nautiques...
Carthagène, Gibraltar, Murcie, Cadix et Barcelone, à terre ou en mer, le voyage vaut la peine. Avec une pensée émue et admirative pour l'Espagne récemment meurtrie.
569 pages

Pile dans le thème marin, ma tenue du jour :