Colm Toibin, "Brooklyn"
Cet ouvrage, repéré chez Mrs Figg, MyaRosa, Aline et Myrtille, me laisse une drôle d'impression...
L'auteur nous raconte, dans les années 1950, le parcours banal d'Eilis, Lacey, une jeune Irlandaise, habituée à sa petite ville, travaillant le dimanche dans un petit commerce, engluée dans ses petites habitudes auprès de sa mère et de sa soeur aînée Rose : leur père est mort, leurs trois frères sont partis se placer en Angleterre et leur mère n'a plus, auprès d'elle, que ses deux filles.
Or bientôt, la décision est prise : Eilis partira pour New York où, chaperonnée par le père Flood, émigré à Brooklyn depuis des années, elle sera vendeuse dans un grand magasin. Si elle le souhaite, elle pourra, en parallèle, continuer à se former dans le domaine de la comptabilité qui lui plaît tant - un domaine dans lequel sa soeur excelle. En Amérique, Eilis devra tout réapprendre : ayant quitté tout ce qu'elle connaissait et la rassurait, elle va découvrir un autre mode de vie ainsi qu'un jeune homme d'origine italienne modeste, Tony.
Plus loin, un choix se présentera à l'héroïne : rester à Brooklyn ou retourner en Irlande ? On suit Eilis d'un côté comme de l'autre de l'Atlantique : en Irlande, le poids de la famille, l'influence de sa mère, de la maison, de tout ce qui l'enchaîne à l'enfance ; à New York, l'omniprésence de la paroisse, les bals du vendredi soir, les matches de base-ball, la vie bien réglée au milieu de tant d'autres vies...
(Une adaptation ciné est sortie en 2015.)
J'ai beaucoup aimé le récit de la première traversée en paquebot, ainsi que les scènes se déroulant dans la pension irlandaise, à Brooklyn (les repas, les discussions et même les tensions entre filles m'ont un peu fait penser à Broadway Limited) : des passages dont le parfum d'authenticité m'a beaucoup plu.
Par ailleurs, ce roman se lit agréablement, tout y est fluide, sans longueurs superflues.
Mais justement, j'ai trouvé qu'il y manquait quelque chose, du moins pendant les deux premiers tiers. L'histoire d'Eilis n'est pas une grande fresque flamboyante, comme on en trouve parfois : au contraire, c'est un témoignage sur la vie des petites gens, en Irlande comme aux USA, un roman d'apprentissage tout en sobriété et en simplicité. Cet aspect m'a plu et, en même temps, il m'a semblé que l'ensemble manquait un peu de panache, restait terne et plat...
Autre point qui m'a gênée : bien que j'aie trouvé l'héroine admirable dans la façon dont elle camoufle ses émotions pour ne pas causer de peine à ses proches (m'enfin, au final, ça ne fonctionnera pas) puis dans sa façon d'accepter son destin, de suivre des cours du soir à l'université, de se donner des défis à relever, je n'ai pas tellement su m'attacher à elle. Il n'y a que dans le dernier quart du roman que j'ai été plus sensible à l'évolution de ses sentiments, à son dilemne (pour un homme, l'auteur s'y entend d'ailleurs particulièrement en psychologie féminine) mais c'est là qu'elle m'a énervée et je lui en ai voulu de ses choix et de son attitude... Je lui reproche aussi le fait qu'elle se laisse façonner pour finalement devenir un double de sa soeur.
Bref, une rencontre plutôt décevante, pourtant portée par une écriture efficace qui fait la part belle à l'introspection.
332 pages