John Irving, "Une prière pour Owen"
Après avoir beaucoup aimé La Quatrième main (étrange tout en étant prenant) il y a de nombreuses années mais abandonné Le monde selon Garp (vraiment trop bizarre pour moi) il y a 4 jours, j'ai découvert avec un grand plaisir ce roman-culte de John Irving, largement autobiographique : Une prière pour Owen.
Le narrateur, Johnny Wheelwright, installé au Canada depuis plusieurs années, en fait depuis qu'il a décidé de ne pas servir au Viêtnam, est originaire d'une toute petite ville du New Hampshire. Et c'est son enfance, dans les années 1940-1950, qu'il nous raconte, en particulier son amitié indéfectible pour Owen Meany, un garçon tout petit pour son âge mais grand par son esprit et surtout connu pour sa voix, incongrue et dérangeante (la typographie sert d'ailleurs l'effet déstabilisant que produit cette voix sur les gens). Il faut dire que, depuis tout bébé, Owen respire l'air chargé de poussier de granit, puisque son père possède la carrière du coin... Toujours est-il qu'Owen acquiert peu à peu dans la communauté un statut à part, sorte d'ange annonciateur adorable, intouchable et en même temps inquiétant. C'est d'ailleurs la balle de base-ball lancée accidentellement à toute force par Owen qui, alors que les garçons ont 11 ans, tuent Tabby, la mère de Johnny, que Owen aimait tout autant que son meilleur ami. Autour de cet immense chagrin commun et fondateur, leur amitié continue à grandir, au fil des époques, au gré des expériences...
J'ai cru à 100% aux personnages de John-Johnny Irving. Dan, le beau-père de Johnny, m'a plu : prof d'histoire dramatique et de théâtre, logeant dans le vieux lycée de la ville (j'ai adoré les pages consacrées aux bâtiments et aux chambres d'étudiants vides, pendant les vacances), c'est un homme hors normes mais doux et intuitif. De même, la grand-mère du narrateur, femme forte dont l'histoire remonte aux Anglais du Mayflower, qui entretient une relation très particulière avec ses domestiques : cette grande dame digne et cynique a attisé mon intérêt. Et évidemment, il y a(vait) l'insouciante et généreuse Tabby, la mère tant aimée et tant regrettée...
Si les nombreux passages consacrés à la religion, thème prépondérant du récit, m'ont ennuyée (je l'avoue), j'ai été happée par les souvenirs de Johnny et par ce petit bout d'homme fascinant que fut Owen Meany dans sa vie. Le style, piquant et facétieux, m'a lui aussi enthousiasmée.
Bref, il me restera le souvenir d'une lecture riche, foisonnante, étourdissante même parfois, et importante, il me semble.
579 pages
N.B. - L'écriture m'a fait penser à celle de Günter Grass (Le Tambour, étudié à la fac). Grass (décédé en 2015) fut en effet une des influences d'Irving et l'un de ses proches amis.