❤ Jirô Taniguchi, "Le sommet des dieux"
Thème du jour - Manga.
NOTES SUR LES 2 PREMIERS VOLUMES : L'ARRIERE-PLAN HISTORIQUE ET PERSONNEL
Cette série désormais célèbre de 5 volumes constitue l'adaptation en manga d'un roman d'aventures de Yumemakura Baku consacré au monde de l'alpinisme, un univers qui a de quoi fasciner. Je ne la découvre qu'aujourd'hui grâce à un emprunt à la médiathèque, mais je me suis tout bonnement régalée !
En 1993, le photographe Makoto Fukamachi, la quarantaine, redescend bredouille d'une expédition sur l'Everest : la cordée qu'il accompagnait pour un reportage photo a été forcée de rebrousser chemin et a perdu 2 de ses grimpeurs dans un tragique accident. Profondément marqué par la chute des 2 hommes, qu'il a immortalisée sur sa pellicule, Fukamachi ne peut se résoudre à rentrer à Tokyo, où ne l'attendent que son travail et une relation compliquée avec une femme qu'il n'aime plus vraiment. Il passe donc quelques jours seul à Katmandou, au Népal, et en profite pour faire du tourisme. Lors d'une de ses déambulations, il entre dans un magasin spécialisé dans la revente de matériel d'escalade et d'alpinisme. Fukamachi y déniche un appareil photo pas comme les autres : une antiquité de 1924, qui pourrait bien être l'appareil dont s'est servi George Mallory, quand il a entrepris d'atteindre le sommet de l'Everest avec Andrew Irvine, en 1924 justement... Malheureusement, les 2 hommes ont disparu dans la montagne et nul ne sait s'ils sont bien parvenus en haut ou pas. L'objet déniché pourrait bien lever le mystère... s'il n'avait pas mystérieusement été volé, le lendemain du jour où Fukamachi l'a acheté !
La recherche du Kodak va l'amener à rencontrer un alpiniste chevronné, bourru, craint et respecté : Habu Jôji, un personnage aussi énigmatique que captivant, une force de la nature, doté d'une carrière exceptionnelle et d'un caractère très particulier. Attiré par sa personnalité hors du commun, Fukamachi aimerait bien en savoir plus sur Habu-San mais celui-ci se noie dans la foule et disparaît... Commence alors une triple quête passionnante, celle d'un appareil photo possiblement historique, celle d'un grand monsieur de l'escalade et celle de la Montagne, tout simplement !
Rivalités, quête de vérité, quête de soi, grands mystères de la montagne, aller au bout de ses rêves, accidents, miracles, beauté et dangers des cimes : tout est là. Le dessin soutient incroyablement bien le texte ; les planches sont parfois à couper le souffle, un souffle épique, rien de moins. Je n'ai pas pu lâcher ces 2 premiers volumes et compte bien poursuivre le voyage en empruntant les 3 autres livres.
318 et 333 pages
LECTURE DES 3 TOMES SUIVANTS, UN MOIS PLUS TARD : LA MONTEE EN PUISSANCE
J'ai eu grand plaisir à rejoindre Fukamachi le photographe, de retour à Katmandou pour retrouver la trace de Habu et de l'appareil photo.
Si les 2 premiers volumes étaient consacrés à l'alpinisme en lui-même, le tome 3 tient davantage du film d'action : un enlèvement, une course-poursuite périlleuse, des révélations sur les années de silence de Habu Jôji... Il y a aussi cette autre dimension que je trouve très intéressante : la relation d'admiration-concurrence qui se met en place entre Fukamachi, celui qui a cédé devant la montagne, et Habu, qui n'abandonnera jamais. Une jeune femme, Ryoko, issue du passé de Habu, se trouve désormais entre eux et ça apporte une autre dynamique au récit.
Dans le tome 4, la relation entre les 2 hommes se complexifie encore et se teinte d'une certaine complicité. Ils accepteront même de se lancer dans une entreprise inconsidérée, ensemble, ou plutôt pas loin l'un de l'autre mais sans communiquer : atteindre la cime de l'Everest l'hiver, par la face sud-ouest la plus ardue, en solitaire et sans oxygène ! Quel impensable défi ! Mais quelle incroyable prouesse ce serait !
Dans le tome 5, enfin, Fukamachi m'a énervée : ses actes, ses choix et ses paroles m'ont parfois irritée, je l'ai trouvé inconséquent. Mais cet ultime volume apporte également un magnifique point final à la cathédrale enneigée bâtie par Baku et Taniguchi, avec des parallèles vraiment touchants et bien pensés entre les personnages qui ont fait l'Histoire et ceux qui ont peuplé la fiction : c'est d'ailleurs avec beaucoup d'émotion que j'ai lu le tout dernier chapitre...
333, 307 et 301 pages
Conclusion : une formidable odyssée, une leçon de courage, bref un incontournable !
Et si la conquête de l'Himalaya vous intéresse, voici quelques choco-billets en lien : Annapurna, premier 8000 ; Tragédie à l'Everest ; Au Royaume des Femmes. Autre lecture (ancienne) liée à l'alpinisme : Premier de cordée de Frison-Roche (à relire un jour...).
(billet 2019 n°24)
(présentation, programme et choco-récap par là)