❤ Joyce Maynard, "L'homme de la montagne"

23 septembre 2019

Sans timtre 1

Eté 1979. Banlieue de San Francisco, de l'autre côté du Golden Gate, au pied de la montagne. Deux soeurs, Rachel 13 ans, et Patty 11 ans, sont livrées à elles-mêmes et passent leurs journées ensemble, frangines et amies inséparables. Leur père, chef de la police de Marin County, détective d'origine italienne, séducteur et gastronome, est désormais séparé de leur mère, dépressive et vivant presque exclusivement dans les romans qu'elle lit dans sa chambre. Quand elles n'écoutent pas les disques qu'elles ont trouvés dans la rue (Dolly Parton et Porter Wagoner, Kenny Rogers, Jim Croce, Crosby, Stills & Nash, Cat Stevens, Leonard Cohen, Bob Dylan, The Moody Blues, Procol Harum, Led Zeppelin, les Beatles, les Rolling Stones, les Carpenters, Donna Summer, Rod Stewart... et surtout le tube de cette année-là, "My Sharona" des Knack), les filles s'inventent tout un tas d'histoires (Rachel veut devenir écrivain), regardent la télé sur les écrans des voisins à travers les baies vitrées de la cité et surtout, elles font de la montagne leur terrain de jeu préféré.
Un terrain de jeu des plus dangereux car, cet été-là et durant plus d'une année, un serial-killer s'attaque, sur les sentiers, à une quinzaine de jeunes femmes, les étranglant et les violant selon un étrange rituel. L'aînée, qui est aussi la narratrice, se met en tête de découvrir qui est le tueur, afin d'aider son père, chargé de l'enquête. D'autant que, depuis qu'elle est petite, elle a comme des visions, des flashes cauchemardesques qui, cette fois, semblent la connecter à celui que la presse surnomme bien vite "l'Etrangleur du crépuscule".

Fausses pistes, fausses routes, alternance de souvenirs et d'actualité, de fausse réalité et de vraie fiction, secrets bien cachés... Joyce Maynard emploie brillamment des procédés narratifs parfois complexes mais toujours efficaces, qui m'ont bluffée ! Ainsi, Rachel, devenue une autrice renommée, reprend dans un de ses livres l'histoire que raconte le roman que nous sommes en train de lire... Oscillant entre le bon polar et le drame humain, tantôt inquiétant, tantôt touchant, ce roman fort aborde des thèmes aussi universels et aussi délicats que le couple, les regrets, le pardon, l'adolescence, la construction de l'identité, la recherche de sa propre route, le passage à l'âge adulte, la perte de l'innoncence, la figure paternelle, les relations filiales et fraternelles. J'ai adoré l'ambiance musicale, la reconstitution d'une époque et le fait que toute la côte nord-californienne se trouve comme sublimée, de la baie de San Francisco à Mendocino (ce qui m'a rappelé cette magnifique chanson des Soeurs McGarrigle, "Talk to me of Mendocino"). Enfin, j'ai trouvé à cette histoire un petit côté "Stranger things" (en raison de la décennie choisie, de la personnalité des filles, de leur relation forte et complexe, du phénomène des visions de Rachel et de la tension qui sourd à travers chaque chapitre). Les chroniques de Titine, d'Anne et de Un livre, Un thé m'avaient tentée ; essai transformé en à peine plus de 24 heures : c'est un coup de coeur !
314 pages

(le Mois Américain 2019 sur le blog)