Douce et désuète délicatesse anglaise (incluant 💗 "La Brodeuse de Winchester")
Pour cette édition 2021, je souhaitais commencer par du vintage anglais.
Eh oui, j'avais envie de roses, de dentelles, de gants brodés et d'ombrelles...
Alors si vous aimez Elizabeth Goudge et Barbara Pym, vous pourriez peut-être
trouver votre bonheur dans cette sélection de quelques découvertes récentes.
Le film "Emma" (2019) ~> 1816
Emma est mon préféré parmi les quelques romans de Jane Austen que j'ai lus ; je n'ai pourtant jamais eu l'occasion de voir le long-métrage de 1996 avec Gwyneth Paltrow. Mais j'ai regardé hier la version de 2019 (merci, Choco-Bro ! ^_^) avec Anya Taylor-Joy et le toujours réjouissant Bill Nighy (dans le rôle de l'hypocondriaque Mr Woodhouse, le père d'Emma).
Malgré tout, c'est le charismatique acteur-chanteur Johnny Flynn, incarnant le jeune et clairvoyant Mr Knightley, qui sauve le film car, sans lui, tout serait d'une platitude sans nom. Les demeures de campagne de la bonne société sont splendides, les robes sont évidemment de toute beauté et les petits éléments comiques bien sympathiques, pourtant l'ensemble m'a quand même paru très moyen ; très élégant mais un peu creux...
Angela Thirkell, Bienvenue à High Rising ~> 1931
Cousine de Kipling (Stalkie et Cie, Histoires comme ça, Le livre de la jungle, Kim) et filleule de J.M. Barrie (Peter Pan : voir la thématique chez Blandine), Angela Thirkell a publié ce roman en 1931.
Laura, fin de la quarantaine, est une romancière à succès (qui trouve pourtant ses propres livres passablement médiocres). Cette belle écervelée, avec son opulente chevelure toujours en bataille, fait tourner bien des têtes masculines. En effet, Laura est veuve... mais elle a 4 fils, dont le petit dernier, un vrai moulin à paroles qui se passionne pour les chiens et les modèles réduits de trains, suit les plus petites classes d'Eton. La femme du directeur est d'ailleurs une amie proche de Laura et se trouve invitée, juste après Noël, à High Rising, dans la campagne anglaise, où Laura possède un cottage spacieux et côtoie d'agréables voisins, parmi lesquels Miss Anne Todd, son assistante occasionnelle, ainsi que Lord Knox, essayiste veuf, et sa fille Sybil. Miss Grey, la sournoise secrétaire de Lord Knox, semble avoir des vues sur son patron : Laura pourra-t-elle tirer son vieil ami de ce mauvais pas ? Rencontres, coups de foudre, mariages éventuels, sentiments dissimulés, petits arrangements entre amis : la vie n'est pas un long fleuve tranquille à High Rising. Et les domestiques ne sont pas en reste !
Tony savourait les attentions créatives dont Stoker (l'employée de maison de sa mère), qui vouait un véritable culte à l'appétit des garçons, garnissait son assiette. Le lendemain, lorsqu'il descendit, une saucisse, un oeuf sur le plat et une tranche de pain grillée l'attendaient sous une cloche avec le reste des frites de la veille. [...]
- J'ai une faim de loup, annonça l'éditeur.
- Excellente nouvelle, intervint Stoker depuis le seuil de la salle à manger. C'est l'heure du déjeuner et j'aime les messieurs qui ont bon appétit. Il y a de la tourte au boeuf et aux rognons, monsieur Coates. Cela vous remplumera un peu. Vous m'avez l'air moins vaillant qu'avant.
- Vos compliments me vont droit au coeur, Stoker.
Voilà un ouvrage piquant, croustillant même ! Il ne s'y passe pas tellement de choses (à part les événements d'une bonne comédie de moeurs britannique et une petite enquête dans le dernier tiers du livre) mais, entre hiver et printemps, on y suit la galerie de personnages avec intérêt car les piques fusent, de même que le second degré, la satire est intéressante et les esprits vifs nous réjouissent. L'ambiance est très plaisante. J'ai bien aimé. Titine et George aussi.
287 pages
💗 Tracy Chevalier, La Brodeuse de Winchester ~> 1932
Ce roman m'a été gentiment offert lors d'un concours lancé durant le Mois Anglais 2020 par Lou, Titine et Lamousmé. Je me le réservais pour cette édition 2021 : c'est donc seulement le mois dernier que je l'ai découvert. De Tracy Chevalier, j'avais peu accroché à La jeune fille à la perle, assez aimé La Dame à la Licorne puis adoré La dernière fugitive (prêté à une élève de 3e qui en a fait son sujet d'oral du brevet, cette année). Cette quatrième rencontre m'a, quant à elle, conquise... Quel doux ouvrage (et le jeu de mots est involontaire ;-p) !
Nous suivons Violet Speedwell, 38 ans, une "vieille fille" comme on dit en cette année 1932. Dactylo, l'héroïne a fui son village natal, non loin de Southampton, et a cherché à échapper à l'emprise d'une mère acariâtre (mais comment en vouloir vraiment à une femme à qui la Grande Guerre a volé son fils aîné et qui a, depuis peu, perdu son mari ?). Installée dans une pension pour jeunes femmes à Winchester et vivant chichement de son maigre salaire (elle se nourrit de sardines et de toasts garnis de haricots à la tomate), Violet est une solitaire : son fiancé, Laurence, le seul véritable amour de sa vie, est lui aussi mort au front et, depuis, à part quelques aventures sans lendemain dont elle a honte de parler à ses très rares amies, son coeur est vide. Une passion va néanmoins bientôt combler ce creux : en intégrant l'association des Brodeuses de Winchester qui réalise des coussins, des banquettes et des agenouilloirs pour la cathédrale de la ville (où se trouve notamment la tombe de Jane Austen), Violet va gagner en ouverture d'esprit, en estime de soi ; elle va trouver des amies, une façon constructive et artistique de s'occuper les mains et l'esprit, mais aussi l'énergie et le courage d'affirmer encore son indépendance, à une époque où les femmes ne se définissent bien souvent que par les hommes. Ce sera aussi l'occasion de rencontrer Arthur Knight, carillonneur passionné, proche de la soixantaine mais dont le coeur fêlé n'a pourtant pas fini de battre...
De la dimension historique à la complicité féminine, des amours mal perçues aux risques que Violet est prête à prendre envers et contre tout, des drames familiaux au quotidien touchant d'une trentenaire célibataire, de la musique des cloches aux motifs des coussins, du style simple et délicat aux passages gourmands : tout m'a plu !
~ Repas estival en famille : laitue vinaigrette, salade d'oeufs durs et pickles...
~ Au pub : un sherry sec, et la tourte au boeuf et aux rognons !
~ Au salon de thé : elle s'offrit un menu complet, une soupe aux pommes de terre et aux poireaux, une côte de porc avec deux petits pains, et du pudding aux raisins secs avec un supplément de crème anglaise et de la crème dans son café !
Les personnages sont bien croqués, l'héroïne paraît admirable par bien des aspects, l'analyse des sentiments m'a semblé très fine et l'ensemble à la fois délicieusement doux-amer, inattendu et intelligent. Tissons nous aussi des liens, avec les chroniques de Lou, Titine, Romanza et Bladelor.
345 pages
Et puis, cette lecture m'a amenée à me renseigner sur la cathédrale de Winchester aujourd'hui : le doyen depuis 2017, "the Very Reverend Catherine Ogle" est donc une femme ! ;-)
J'ai également tenté Les aventures de Cluny Brown de Margery Sharp (la "maman" de "Bernard et Bianca"), une comédie parue dans les années 30 avec une jeune héroïne éponyme un brin délurée et anti-conformiste... Mais j'ai abandonné au bout d'une soixantaine de pages car le personnage central ne m'enthousiasmait pas plus que ça et surtout le style ne me plaisait pas du tout... :-( Vous pouvez néanmoins lire un avis bien plus positif chez Titine.
En juin, c'est le Mois Anglais chez Lou, Cryssilda et Titine (billet 2021 n°4).
Fêtons toute l'année les 10 ans du Mois Anglais avec Lou, Cryssilda et Titine ! (billet n°7)