Halloween est à présent passé mais une brume étrange plane encore un peu par ici :
aujourd'hui, en route pour le froid...
(billet 2022 n°12)
Jean-François Chabas, Les sorcières de Skelleftestad
(thématiques Familles extraordinaires et Féminité verte)
Tome 1. L'étrange mariage de Nils Swedenbord
A une époque indéterminée mais lointaine ; dans un lieu indéterminé mais en Scandinavie...
Johanna, la fille aînée de Nils et d'Ingrid Swedenborg, nous fait ici un récit incroyable : d'après les renseignements que lui a fournis Ingrid, la jeune fille de 15 ans et demi raconte comment sa mère a épousé son père. Jusque là, rien d'exceptionnel. Mais accrochez-vous bien : Ingrid, qui n'a pourtant ni nez crochu ni balai magique, est une sorcière ! Une vraie. Qui est née dans un oeuf et sait parler aux chats. Qui lance des sorts terribles si elle ne se maîtrise pas.
J'imagine que certains trouveront assez cruelle l'attitude de ma mère. A ceux-là, je répliquerais que la cruauté est tout de même un apanage de la sorcière. Une sorcière douce et câline, ce n'est plus une sorcière, c'est un lapin angora.
Mais comment une créature aussi séduisante que puissante en est-elle arrivée à se marier avec le charpentier le plus simple d'esprit du pays ?!? Ah ça, c'est justement ce que Johanna va nous apprendre. Ainsi que le secret de sa propre naissance, ainsi que celles d'Agnes et Greta, ses deux soeurs.
Ce que c'est drôle ! Ce premier et très court volume m'a totalement séduite : un village rendu authentique par une plume soignée et ébouriffante, une union improbable avec de la tendresse malgré tout, et surtout la personnalité haute en couleurs d'Ingrid : je l'ai adorée ! ;-) Quelle famille ! Quelle chronique !
"Non mais, on croit rêver ! Manger des enfants ! En plus, c'est fade. Un goût de poulet sans assaisonnement.
- Comment le sais-tu ?
- Comment est-ce que je sais quoi ?
- N'essaie pas de gagner du temps, maman. Comment peux-tu savoir que les enfants ont un goût de poulet, si tu n'en as jamais mangé ?
- Je l'ai entendu dire. Arrête de me regarder comme ça. Est-ce que je vous ai mordues une seule fois, tes soeurs et toi ?"
Et aussi : l'aquavit du père Thorbjörn ; les chocolats / le pain d'épice / les gaufres que le papa est instamment prié d'aller quérir pendant chacune des naissances (pontes).
104 pages
Tome 2. Les soeurs Swedenborg
Un an plus tard, Nils est toujours un heureux benêt mais ses trois filles sont désormais de véritables sorcières, connectées à la nature qui les entoure. Outre des passages magnifiques sur le lien qui les unit à l'univers, il y a aussi celui-ci : Nous n'étions pas des gigots ficelés, mais des sorcières. Et une sorcière qui aurait peur d'un loup, ce serait un peu comme un ours effrayé par un écureuil. ;-)
Greta est une excellente pâtissière ("Descends prendre ton petit déjeuner ! Dernier appel ! Greta a fait des crêpes, elles refroidissent !" ~ "Greta nous a fait un délicieux fondant aux poires."), Agnès adore la mode et l'aînée, Johanna, ne sait toujours pas trop comment se positionner... Ingrid, sa mère, se demande d'ailleurs si elle est capable de magie et la met au défi ! Qu'à cela ne tienne ! Si Agnès a pu transformer un pauvre garçon du village en champignon (alors qu'elles doivent absolument éviter de se faire remarquer), elle, elle va semer la zizanie dans tout le bourg : trop fort ! (Ingrid, pour fêter ma prouesse, s'était lancée dans la confection d'une soupe aux yeux de lézard, nec plus ultra de la gastronomie socière.) Cependant, le résultat dépasse ses espérances et le Diable en personne vient la récompenser : quel voeu va-t-elle faire ? Un souhait qui changera à tout jamais la vie de cette sympathique famille...
"Nous sommes démoniaques ! Regarde ta femme et tes filles ! Nous sommes les servantes des ténèbres !"
Cela m'a pourtant semblé hors de propos ; un beau soleil pénétrait par la fenêtre de la cuisine, un roitelet lançait des trilles enthousiastes depuis une branche de l'arbre qui jouxtait notre maison, et je tenais une tartine de pain bis recouvert de confiture de myrtille. C'était assez peu représentatif, en fait de mise en scène, pour une servante des ténèbres.
Quel plaisir de retrouver cette ambiance mi-fantastique mi-cosy, mi-tendre mi-moqueuse (oui, ça fait 4 moitiés, Nils n'y trouverait rien à redire). L'écriture est toujours aussi piquante et les leçons données sont, ma foi, aussi rudes que drôles... On en apprend aussi de belles concernant la mère ! Bref, j'ai beaucoup aimé cette petite saga qui ne paie pas de mine mais qui vaut indéniablement le détour !
116 pages
Arni Thorarinsson, Le temps de la sorcière
Muté dans le Nord de l'Islande avec un collègue qu'il n'appréciait pas beaucoup jusque là et une photographe très perspicace, Einar, journaliste d'une cinquantaine d'années au "Journal du soir", s'ennuie quelque peu. Sa fille ado devait venir lui rendre visite mais se décommande. En plus, il a décidé d'arrêter de boire ! Bref. Mais bientôt les choses bougent : une femme décède des suites d'un accident de rafting dans une "rivière glaciaire", la star du club théâtre du lycée disparaît sans laisser de traces, des ados se suicident, on remarque un drôle de déguisement et on cherche un chien partout... Dans le fond, beaucoup de musique, les titres ne manquent pas (dont "Sympathy for the devil" des Rolling Stones), et une composition qui revient à intervalles réguliers : "Season of the Witch" du chanteur écossais Donovan (1966). Serait-il venu, ce fameux "temps de la sorcière" ?
Je ne suis d'habitude guère férue de polars scandinaves (trop glauques, trop sinistres, trop brrrr). Mais celui-ci m'a vraiment plu. D'abord car il n'est pas trop glauque, ni trop sinistre, ni trop brrr. Ensuite parce que l'enquête (ou plutôt les enquêtes ; 3 mystères à élucider au final) est menée de façon extrêmement habile. Puis parce que je me suis attachée aux personnages, à leur évolution et au héros en particulier (qui est pourtant parfois insaisissable, paumé, asocial par moments , très fin et très touchant à d'autres, figure facétieuse, drôle, pince sans rire plutôt). Enfin car le plus intéressant, c'est peut-être l'aspect social de ce roman policier : tout ce qui tourne autour des moeurs et des coutumes islandaises, de l'histoire même moderne, de l'identité nationale, du "tempérament islandais" et des fléaux qui touchent les jeunes générations (le regard est acéré, sans concessions, critiquant l'exode rural aussi bien que la consommation de drogue et d'alcool, la corruption, la violence). J'ai vraiment eu l'impression de faire un séjour en totale immersion dans ces contrées scandinaves, intriguantes autant qu'accueillantes.
* Une alléchante odeur de crêpes s'échappe de la cuisine.
* En franchissant la porte d'accueil de la confiserie, je découvre, posés sur le comptoir, toute une rangée d'échantillons de la production : barres chocolatées, gâteaux secs au chocolat, des boules de coco, des truffes fourrées à la crème, des paquets de bonbons, du réglisse et des pâtes de fruits de toutes les formes et de toutes les couleurs.
* Elle approche une fourchette de spaghettis accompagnés d'un morceau de flétan de ses lèvres rouges. Les fourchettes ont une de ces chances, quand même ! "C'est vraiment un restaurant de premier choix, j'observe tandis qu'elle avale sa bouchée. La carte est à la fois originale et ambitieuse."
* Nous sortons d'un succulent repas : avocat aux crevettes en entrée et filet de porc farci en plat principal. Je n'ai donc pas faim. Mais j'ai cette fichue soif chevillée à l'âme.
C'est ça : au final, ce polar m'a paru étonnamment "accueillant" (il n'y a qu'à voir le nombre de précisions gourmandes), et intelligent aussi ! Un ton caustique et une ambiance bizarrement confortable, un style brut de décoffrage mais en même temps doté d'une certaine élégance : je pense que je relirai cet auteur surprenant très prochainement.
426 pages
Dans les z'oreilles...
Toujours L'écho des morts de Johan Theorin, un thriller suédois fantastique mixant passé(s) et présent (des années 90) pour raconter les expériences inquiétantes que vivent les nouveaux propriétaires d'une vieille et grande ferme située entre 2 phares, une ferme et un endroit nommés Åludden, où les morts ne disparaissent jamais vraiment. D'ailleurs, lorsque Katrine Westin, la mère de famille, se noie inexplicablement non loin de chez elle, son époux et ses deux jeunes enfants sentent toujours sa présence dans les marais, dans les murs, de l'autre côté des planches fermant une pièce secrète au fond de la grange...
Roman commencé un lundi matin, début octobre (l'intrigue commence en octobre aussi), alors que la brume cernait la voiture le long du grand torrent : mystique. Heureusement, il y a les références à Zozo la tornade et les bons mots de la petite Livia pour sourire un peu... Mais j'aime l'atmosphère, les lieux les gens. A suivre...