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Le tout premier pixel de ce cottage-ranch-refuge a été posé en septembre 2009 (avant ça, je bloguais "en secret" ;-p). J'espère que vous vous sentirez bien dans ma seconde maison, un terrier de clics et qu'on croque, où collectionner coups de coeur et jolis souvenirs...

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Les Rougon-Macquart (Zola)

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En mars 2012, j'ai entrepris de lire les 20 romans de la sĂ©rie des Rougon-Macquart dans l'ordre de leur parution (Ă  ce moment-lĂ , je n'en avais encore lu que 2 : Le Ventre de Paris et Au Bonheur des Dames, Ă  relire donc mais cette fois dans la chronologie). Un beau voyage commence, Ă  travers l'Histoire et Ă  travers les mots.
Ci-dessous, mes comptes-rendus de lecture, ou comment je suis tombĂ©e amoureuse de Zola, auteur engagĂ© et homme de lettres inĂ©galable :

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I. La Fortune des Rougon, 1871

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Zola a 31 ans quand il publie le premier roman de cette saga familiale, sorte de photographie sociale de son temps : le destin d'une famille sous le Second Empire. Premier volume et j'ai dĂ©jĂ  tout aimĂ© !
Dans le Var, Ă  Plassans (jumelle fictive d'Aix-en-Provence, une citĂ© prospère qui s'endort en ronronnant de bien-ĂŞtre), au cĹ“ur de ce XIXe tourmentĂ© qui me plaĂ®t tant (en 1851, ouvriers et bourgeois s'affrontent juste avant le coup d'Ă©tat de NapolĂ©on III), deux intrigues s'entrelacent. D'un cĂ´tĂ© (dans des passages parfois un peu longs), l'histoire de Miette et de Silvère Mouret qui vivent un bel amour d'enfants dans la grande tradition romantique (une rivière tourmentĂ©e, un ancien cimetière, l'ombre de la mort). De l'autre, l'histoire de la famille Rougon, le pleutre Pierre manipulĂ© par son  avide Ă©pouse FĂ©licitĂ©, forte femme prĂŞte Ă  tout pour "arriver" (mais sans prendre de risque, n'exagĂ©rons rien). Leur salon jaune devient le RDV de tous ceux qui, Ă  Plassans, ont choisi le camp de l'Empereur. Seul un des fils Rougon, Pascal, mĂ©decin droit et rĂ©flĂ©chi, dĂ©note : ce qu'il aime, lui, c'est observer  les gens et tâcher de les comprendre, comme Zola.
Dans ce premier volume au style mesurĂ©, raffinĂ© et Ă  la narration savante, toute en retours en arrière et en "dossiers" que Zola ouvre au fur et Ă  mesure, on rencontre aussi la vieille AdĂ©laĂŻde Fouque (75 ans, presque folle), celle avec qui tout a commencĂ©, mère de Pierre Rougon (nĂ© de son mariage avec Marius Rougon, un paysan des Basses-Alpes vite disparu) mais aussi d'Antoine et Ursule Macquart (nĂ©s de sa passion coupable avec le contrebandier Macquart).
Tout Ă  la fois, j'ai espĂ©rĂ©, souri, pleurĂ©, je me suis mise en colère. SĂ©duite (comme Stephie) et curieuse, je continue avec enthousiasme ! 401 pages 

II. La CurĂ©e, 1872

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1860. Aristide, l'un des trois fils de Pierre et FĂ©licitĂ© Rougon, s'est installĂ© Ă  Paris. Pour faire oublier ses mauvais choix politiques et sur les recommandations de son frangin Eugène le ministre, il a changĂ© son nom en Saccard. Comme sa mère, il a les dents longues : pour s'enrichir, il spĂ©cule sur des immeubles vouĂ©s Ă  la dĂ©molition, dans ces vieux quartiers sacrifiĂ©s au nom des grands boulevards. Pour ĂŞtre remodelĂ©e, la capitale doit ĂŞtre Ă©ventrĂ©e, sur ordre de l'Empereur (voir Rose de T. de Rosnay). Alors Saccard s'en met plein les poches. Pour ĂŞtre plus libre, il se dĂ©barrasse de ses enfants ainsi que de sa première Ă©pouse trop terne. ConseillĂ© par sa sĹ“ur Sidonie, fouineuse et entremetteuse, il se remarie avec  la belle et jeune RenĂ©e qui lui est infidèle. D'ailleurs, depuis le retour du dĂ©licat Maxime, le fils d'Aristide revenu de son exil Ă  Plassans, la jeune dame, lassĂ©e de son dernier amant, se sent irrĂ©sistiblement attirĂ©e par son charmant beau-fils...
Ce roman m'a laissĂ© deux impressions : une vive lumière et un grand vide. La lumière pour les bals costumĂ©s, les rĂ©ceptions fastueuses, d'un raffinement Ă©touffant. Et le vide car tout ça sonne faux ! La richesse n'est qu'apparente, les toilettes somptueuses dissimulent les noirceurs les plus ignobles et la violence est partout. Si RenĂ©e ne sait pas ce qu'elle veut, perdue entre l'austĂ©ritĂ© de son enfance et le clinquant de sa nouvelle vie, Maxime, lui, est aussi dĂ©traquĂ© qu'Aristide, nĂ©gociant vĂ©reux qui vole jusqu'Ă  sa femme ! Mon personnage prĂ©fĂ©rĂ© dans ce drame ? M. BĂ©raud du Châtel, le père de RenĂ©e, restĂ© sombre et digne dans son manoir glacĂ©. 338 pages

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Jane Fonda dans l'adaptation de Roger Vadim en 1966.

III. Le Ventre de Paris, 1873

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Dans cette relecture, j'ai retrouvĂ© Florent, un bagnard Ă©vadĂ© de Cayenne, oĂą on l'avait envoyĂ© après "la nuit du 4" dĂ©cembre 1851 (il Ă©tait du cĂ´tĂ© des insurgĂ©s, contre NapolĂ©on III), qui revient Ă  Paris après 7 ans d'absence. DĂ©routĂ© par une ville qu'il ne reconnait pas et par les nouvelles Halles devenues un gigantesque "ventre", il demande de l'aide Ă  son demi-frère, le charcutier Quenu, mariĂ© Ă  Lisa Macquart, fille d'Antoine l'ivrogne de Plassans, qui lui a donnĂ© une fille toute dodue : Pauline. Lisa est aussi la tante du jeune peintre Claude Lantier, le seul vĂ©ritable ami de Florent. Ce dernier, acceptant un misĂ©rable poste d'inspecteur Ă  la marĂ©e, se retrouve vite au centre de terribles conflits : d'abord le duel opposant Lisa Ă  la poissonnière Louise MĂ©hudin ; ensuite, la guerre entre deux conceptions de la vie. L'idĂ©alisme et la rĂ©volte des Maigres rĂ©publicains (Florent, ancien professeur crottĂ©, Ă©tant le "roi des Maigres") contre la plĂ©nitude des Gras qui mènent une petite vie confortable grâce Ă  NapolĂ©on III. Les Maigres ont donc bien du mal Ă  survivre dans ce monde taillĂ© par et pour les bourgeois, d'autant plus dangereux qu'ils ont assez de pouvoir pour les avaler tout crus !
Ce qui frappe et sĂ©duit enfin, dans ce roman de la dĂ©voration, ce sont les descriptions du marchĂ© : des tableaux magnifiques, mis en lumière par le regard de Claude, et qui rendent le trivial sublime. Ultime dĂ©tail succulent : les noms attribuĂ©s aux personnages, en accord avec leur marchandise. SacrĂ© dĂ©terminisme ! 424 pages

IV. La ConquĂŞte de Plassans, 1874

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Nous voici de retour Ă  Plassans. Prospère et bonhomme, le marchand François Mouret (fils d'Ursule Macquart) a Ă©pousĂ© son indolente cousine Marthe Rougon (autre fille de Pierre et FĂ©licitĂ©, portrait crachĂ© de la vieille Tante Dide, dĂ©sormais Ă  l'asile). Avec leurs enfants, Octave 18 ans, Serge 17 ans et DĂ©sirĂ©e 14 ans mais "restĂ©e petite fille" (sans doute la consanguinitĂ© parentale), ils vivent gaiement dans une vaste maison... jusqu'Ă  l'arrivĂ©e de deux locataires particuliers : l'abbĂ© Foujas, individu imposant et mystĂ©rieux, accompagnĂ© de sa vieille mère. Il y a du Tartuffe dans ce religieux qui s'installe confortablement rue Balande et y fait venir sa sĹ“ur et son beau-frère : la famille Faujas envahit la maison et l'abbĂ©, peu Ă  peu, va conquĂ©rir la ville, en commençant par envoĂ»ter Marthe !  Serge, entre dans les ordres. Octave part Ă  Marseille apprendre le commerce. La petite vie sereine de cette famille sans histoires vole en Ă©clats !
Ce roman très noir m'a happĂ©e, grâce Ă  de vifs dialogues et une action constante : que de mic-macs et de passions Ă  Plassans ! On ne peut rester de marbre face Ă  la noirceur malsaine de certains caractères. J'ai haĂŻ Faujas, mĂ©prisĂ© Marthe et plaint Mouret, dindon d'une triste farce, qui a pourtant su m'Ă©mouvoir : c'est lui qui prend en charge sa fille, abandonnĂ©e par sa mère, lui qui prend les dĂ©cisions les plus dures et qui souffre le plus du dĂ©part des garçons. Poignant. 417 pages

V. La faute de l'abbĂ© Mouret, 1875

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Le tendre Serge est entrĂ© au sĂ©minaire au milieu du volume prĂ©cĂ©dent, dĂ©sormais c'est un jeune curĂ© de 25 ans. Après la mort tragique de ses parents, tandis que l'aĂ®nĂ© Octave a empochĂ© l'hĂ©ritage familial et est montĂ© faire fortune Ă  Paris, Serge a recueilli DĂ©sirĂ©e, sa douce soeur simple d'esprit. En compagnie de La Teuse, une rude domestique normande, frère et soeur se sont installĂ©s aux Artaud, une campagne pauvre non loin de Plassans, dont les habitants se passionnent plus pour leurs rĂ©coltes que pour la religion. Ce sont des impurs, qui ne croient qu'Ă  la terre et Ă  la chair ! Le docteur Pascal passe souvent voir ses neveux et conduit Serge jusqu'Ă  un domaine abandonnĂ© : le Paradou. Serge rencontre alors le vieux philosophe athĂ©e Jeanbernat qui, tel Candide, cultive tranquillement son merveilleux jardin. Jeanbernat a recueilli une petite nièce de 16 ans, la lumineuse Albine, sauvageonne en jupes colorĂ©es, Ă©levĂ©e Ă  la Rousseau, qui va bientĂ´t faire tourner la tĂŞte de Serge.
Au final, Zola nous propose une vision assez sinistre de la religion et axe son livre autour du combat intérieur d'un homme. Autant le reconnaître : j'ai eu un mal fou à achever ce volume ! Certes, il comptait peu de pages par rapport aux autres, mais elles se sont révélées très denses, à cause d'incessantes descriptions végétales qui m'ont profondément ennuyée... Bref, ça ne restera pas l'un de mes Zola préférés. 257 pages

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Francis Huster dans le rĂ´le-titre en 1970.

VI. Son Excellence Eugène Rougon, 1876

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L'aĂ®nĂ© de FĂ©licitĂ© et Pierre Rougon est devenu "un quelqu'un" Ă  Paris : ministre de l'IntĂ©rieur de NapolĂ©on III. Sentant le vent tourner en sa dĂ©faveur, il dĂ©missionne. Alors que les parasites qui l'entourent vont tout faire pour le replacer dans les bonnes grâces impĂ©riales, le naĂŻf Eugène croit ĂŞtre "arrivĂ©" par sa seule volontĂ©. En rĂ©alitĂ©, avec pour seuls vĂ©ritables alliĂ©s un ancien camarade ivrogne et une Ă©pouse insignifiante, il n'aurait jamais rĂ©ussi ! Le grand homme, manipulĂ© mais heureux, retrouve donc son poste pour faire le sale boulot : pour venger une tentative d'assassinat sur la personne de l'Empereur, on "coffre" les rĂ©volutionnaires. En privĂ©, chez les sangsues qui vivent toujours aux crochets d'Eugène, règne la jeune Clorinde. Mais, alors que la belle Italienne s'est jetĂ©e Ă  son cou, le ministre l'a rejetĂ©e. InĂ©vitablement, elle lui fera payer cet affront.
Les fastes de la cour alternent avec les intrigues les plus basses. Les gens sont des pions qu'on n'hĂ©site pas Ă  dĂ©truire et le jeu politique fait frĂ©mir par ses indĂ©cences et ses incohĂ©rences. Rougon m'a paru un homme dĂ©laissĂ©, Ă  qui seuls ses illusions et ses grands appĂ©tits tiennent chaud. En revanche, j'ai Ă©tĂ© sĂ©duite par la reprĂ©sentation du couple impĂ©rial. On nous montre NapolĂ©on III et l'ImpĂ©ratrice EugĂ©nie en privĂ© : avec leur fils tant espĂ©rĂ©, leurs courtisans, leurs conseillers, leurs doutes... On dĂ©couvre aussi la personnalitĂ© très effacĂ©e et très pieuse d'EugĂ©nie, ainsi que le caractère double et souvent faux de l'Empereur qui finira, lui aussi, comme les autres, par succomber aux charmes sournois de la superbe Clorinde. 303 pages

VII. L'Assommoir, 1877

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VoilĂ  l’histoire tragique de Gervaise, l'autre fille de l’ivrogne Antoine Macquart. Conçue dans un accès de violence soiffarde, Gervaise sera comme programmĂ©e pour le malheur. A 22 ans, dĂ©jĂ  mère de deux garçons de 8 et 4 ans (Claude et Etienne), la jeune femme s’est dĂ©pouillĂ©e de tout pour payer les caprices de son compagnon, le père des deux marmots : Lantier. Depuis qu’ils ont quittĂ© Plassans pour s’installer Ă  Paris, le brutal Lantier boit et trompe Gervaise... jusqu’au jour oĂą il finit par la quitter. Gervaise, jeune et jolie mais dĂ©jĂ  abĂ®mĂ©e par la vie, subvient alors seule aux besoins de ses petits, devient blanchisseuse et se rapproche de son voisin Coupeau
Gervaise m’a d’abord semblĂ© faire preuve d’un grand courage et d’un modernisme surprenant. Puis, avec Coupeau, dangereux dès le dĂ©part, les plus gros ennuis arrivent. Si les premiers temps se passent Ă  merveille, Ă©maillĂ©s de bonheur(la naissance de leur petite Anna, dite Nana) et de rĂ©ussite (Gervaise ouvre sa propre boutique et remporte un franc succès), la dĂ©chĂ©ance ne tarde guère : le mĂ©nage Ă  trois, avec le retour de Lantier, la maladie, l'alcool, ingurgitĂ© jusqu'Ă  plus soif Ă  "l'Assommoir", le bar du père Colombe, et la misère vont s'insinuer dans le foyer.
Cette pauvretĂ©, cette chute inĂ©vitable m'ont vraiment Ă©mue. Et ça dĂ©gringole jusque dans la langue, l'argot occupant une place de plus en plus marquĂ©e dans le texte. Tout se dĂ©fait, il n'y a plus d'espoir, tout finit mal. DĂ©cidĂ©ment, il n'y a que Zola pour raconter de manière aussi virtuose la rĂ©alitĂ© du monde ouvrier, mĂŞme dans ses aspects les plus sordides... 341 pages

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Le film de 1933.

VIII. Une page d'amour, 1878

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HĂ©lène, la sĹ“ur de François Mouret, a grandi et s'est mariĂ©e Ă  Marseille, avant de suivre son Ă©poux Ă  Paris et de s'y retrouver veuve Ă  30 ans Ă  peine. Elle habite dĂ©sormais avec sa fille de 12 ans, Jeanne, et Rosalie, la servante. Seulement, la jeune femme vit quasiment recluse et ne connaĂ®t rien de la capitale. Une nuit, alors que Jeanne se trouve au plus mal, HĂ©lène dĂ©boule, Ă©chevelĂ©e, chez le docteur Henri Deberle, son propriĂ©taire. Il prend soin de la fillette et trouve la mère adorable. Mais la petite est de santĂ© fragile et d'un caractère possessif : quand HĂ©lène commence Ă  Ă©prouver Ă  son tour une grande tendresse pour M. Deberle, Jeanne n'est pas prĂŞte Ă  partager sa mère, ni avec un homme, ni avec Paris, ni avec personne. Et puis le mĂ©decin est mariĂ© ! Ah, si HĂ©lène n'Ă©tait pas aussi honnĂŞte ! Et si Mme Deberle, avec ses bals, son beau jardin et son dĂ©licat pavillon japonais, n'Ă©tait pas si charmante ! Au bout du compte, HĂ©lène finira par succomber Ă  cette passion coupable, une folie d'un instant qui lui coĂ»tera très cher... 
Ces pages ont filĂ© Ă  toute allure, remplies de questionnements, de dĂ©sirs et de tourments. 
Si je n'ai pas rĂ©ellement rĂ©ussi Ă  m'attacher Ă  Jeanne, lunatique et jalouse, le tempĂ©rament d'HĂ©lène m'a davantage intĂ©ressĂ©e : mère ? femme ? amie ? amante ? Elle cherche sa place durant tout le roman et, après s'ĂŞtre totalement sacrifiĂ©e pour sa fille adorĂ©e, ose enfin faire volte face et revendiquer le droit d'aimer. Pour son plus grand malheur. 416 pages

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Jacques Perrin et Miou-Miou dans une adaptation de Serge Moati (1995).

IX. Nana, 1880

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Mère très jeune d'un petit Louiset lent et malade, Nana, la fille de Gervaise et Coupeau, est actrice au Théâtre des VariĂ©tĂ©s, Ă  Paris. Comme toute comĂ©dienne de l'Ă©poque, la sĂ©duisante jeune femme a beaucoup d'admirateurs et compte sur eux pour l'entretenir. MĂŞme le comte Muffat, chambellan de l'ImpĂ©ratrice, père de famille digne et droit, soudain ensorcelĂ©, succombe au charme bestial de cette blonde incendiaire ! Dès lors, Nana va profiter de Muffat et de sa fortune, elle lui fera Ă©galement perdre son honneur et sa raison, le trompant allègrement et se plaisant Ă  le rabaisser continuellement. Entre 1867 et 1870, ce roman relate encore une fois une grande rĂ©ussite (celle d'une comĂ©dienne dĂ©sirĂ©e, adulĂ©e, jalousĂ©e) suivie d'une descente aux Enfers, une dĂ©chĂ©ance pitoyable. Celle de l'hĂ©roĂŻne, stupidement Ă©goĂŻste et couchant avec tout le monde, mais aussi la perte de ceux qui l'ont cĂ´toyĂ©e, comme si elle les avait irrĂ©mĂ©diablement salis... Sans oublier la chute du Second Empire.
DĂ©cidĂ©ment, j'ai vraiment dĂ©testĂ© et mĂ©prisĂ© Nana : dĂ©pendant totalement des hommes qu'elle exploite, capricieuse, dĂ©bauchĂ©e, mauvaise mère et femme irresponsable, bĂŞte, se servant de ces messieurs avec cruautĂ© et ne sachant prendre aucune dĂ©cision sensĂ©e, elle n'a pas su trouver grâce Ă  mes yeux, malgrĂ© les Ă©preuves qu'il lui a fallu traverser. NĂ©anmoins, l'univers du théâtre dĂ©peint ici par Zola a tout de mĂŞme quelque chose de fascinant : les secrets en coulisses, les rumeurs et les paris lancĂ©s dans le foyer des acteurs, les dĂ©cors, les rĂ©pĂ©titions... Tout un monde de paillettes et de cocottes d'une autre Ă©poque. 492 pages

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Martine Carroll incarne Nana en 1955 pour Christian-Jacque (la même année que "Lola Montès").

X. Pot-Bouille, 1882

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Bienvenue Ă  Paris, dans l'immeuble de M. Vabre, vieux propriĂ©taire qui loge dans ses 4 Ă©tages toute sa riche famille. Et il y a aussi les Gourd, concierges, les Campardon, les Duveyrier, les Josserand, les Pichon... sans oublier les domestiques de tout ce petit monde, qui vivent au dernier Ă©tage. Cherchant Ă  se faire une situation, Octave Mouret, fils aĂ®nĂ© de François et Marthe, loue une chambre dans cette "maison honnĂŞte" et prend ses repas chez les Campardon, amis de ses parents. Très vite, le jeune homme va chercher Ă  utiliser ses voisines pour se faire un nom. Essayant (souvent en vain) de coucher avec toutes les femmes qui l'entourent, il jettera son dĂ©volu sur la belle Caroline HĂ©douin qu'il Ă©pousera dès la mort de son Ă©poux, propriĂ©taire d'un magasin nommĂ© "Au Bonheur des Dames"...
 En entrant dans l'intimitĂ© de toutes ces familles (on n'en demandait pas tant, le dĂ©goĂ»t n'est pas loin), on comprend que, sous un verni respectable et trompeur, il règne dans ces foyers une atmosphère de profonde dĂ©bauche et de misère affective : humiliations, hĂ©ritages dĂ©tournĂ©s, règlements de comptes, les maris trompent leurs femmes, les Ă©pouses trompent leurs maris, les maĂ®tres couchent avec leurs domestiques. Enfin, petite anecdote : l'immeuble abrite Ă©galement la famille d'un Ă©crivain, seul foyer heureux de la maison. J'ai beaucoup apprĂ©ciĂ© cette savoureuse mise en abĂ®me avec un auteur qui publie des "romans sales"... 464 pages

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En 1957, GĂ©rard Philipe est Octave Mouret ; Danielle Darieux joue Mme HĂ©douin.
En 1972, Marie-France Pisier incarne Berthe Josserand à la télévision.

XI. Au Bonheur des Dames, 1883

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Octave Mouret, le frère de Serge, est restĂ© mariĂ© bien peu de temps Ă  Mme HĂ©douin : la pauvre est dĂ©cĂ©dĂ©e, laissant le jeune homme veuf... et riche, Ă  la tĂŞte d'un immense magasin de nouveautĂ©s : "Au Bonheur des Dames". Temple du commerce moderne, l'enseigne de Mouret casse les prix et engloutit peu Ă  peu toutes les anciennes boutiques du quartier de la Place Gaillon. Denise Baudu, 20 ans, nièce d'un vendeur de draps menacĂ© par le "Bonheur", arrive Ă  Paris avec ses frères, le beau Jean (une vraie tĂŞte Ă  claques) et le petit PĂ©pĂ©Son oncle n'ayant pas de place Ă  lui offrir, Denise entre au rayon confections du "monstre", au sein duquel elle va, durant sept douloureuses annĂ©es, gravir peu Ă  peu les Ă©chelons.
Ah, quelle satisfaction de (re)lire un roman de Zola qui offre enfin un dĂ©nouement heureux ! MalgrĂ© des passages infiniment pathĂ©tiques montrant l'agonie des petits marchands, l'histoire (d'amour) se termine bien. LĂ©ger bĂ©mol : si je me suis rĂ©galĂ©e Ă  dĂ©couvrir les rouages d'une si colossale machine, j'ai tout de mĂŞme trouvĂ© quelques redites dans certains chapitres. Mais ce n'est qu'un dĂ©tail face Ă  la virtuositĂ© avec laquelle l'auteur dĂ©peint, d'un cĂ´tĂ©, la passion sans limites de la femme pour le futile et, de l'autre, la passion d'Octave pour celle qui ne cède pas. Ah, cette Denise, quelle force de caractère ! Elle aurait pu abandonner, se dĂ©sespĂ©rer, craquer. Elle tient pourtant bon, clairvoyante et digne, forçant le respect : "Elle se faisait de la vie une idĂ©e de logique, de sagesse et de courage." Est-ce pour cela que Zola a choisi de nommer sa fille Denise ? En tout cas, je l'ai admirĂ©e de la première ligne au dernier mot. 513 pages

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Denise dans la série américaine "The Paradise" + Denise Zola, photographiée par son père. Un clic pour la source.

XII. La joie de vivre, 1884

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Pauline, fille des charcutiers Quenu (sa mère, Lisa, Ă©tait une Macquart), a 10 ans lorsqu'elle perd ses parents et hĂ©rite de leur fortune. Son tuteur, Aristide Saccard, n'ayant guère de temps Ă  lui consacrer, ce sont les Ă©poux Chanteau, une vieille institutrice et un ancien exploitant-charpentier paralysĂ© par la goutte, qui l'accueillent Ă  Bonneville, un village de pĂŞcheurs normand balayĂ© par les tempĂŞtes. Telle une fĂ©e, la riche Pauline Ă©gaye la morne existence des Chanteau et de leur fils Lazare. En grandissant, pourtant, elle sera volĂ©e, exploitĂ©e, dĂ©nigrĂ©e par Mme Chanteau, qui la ruinera et poussera mĂŞme son fils chĂ©ri dans les bras de la lĂ©gère Louise, alors qu'il devait Ă©pouser Pauline. Et ce Lazare ! Un bon Ă  rien que l'hĂ©roĂŻne doit toujours consoler et mĂ©nager, incapable de finir quelque chose : mĂ©decine, chimie, construction, musique, finance, il abuse de la bontĂ© de Pauline pour payer ses Ă©checs.
Zola nous montre encore une fois toute la misère humaine : d'abord la pauvretĂ© des pĂŞcheurs de Bonneville, dont la plupart boivent et battent leurs enfants, aussi vicieux qu'eux ; et surtout la noirceur de la Chanteau, Ă  qui l'intĂ©rĂŞt a fait perdre la tĂŞte et tout respect. Au milieu de la dĂ©bâcle, trois personnages ont pourtant gagnĂ© ma sympathie : VĂ©ronique, la solide bonne au caractère changeant, l'abbĂ© Horteur, simple et rĂ©aliste, et le père Chanteau, qui tient Ă  la vie malgrĂ© la maladie, la souffrance et son horrible femme. Quant Ă  Pauline, forte et dĂ©vouĂ©e, son entĂŞtement Ă  se sacrifier pour le bonheur des autres a fini par m'agacer : c'est une brave fille, gĂ©nĂ©reuse, vaillante, honnĂŞte, mais finalement Ă  quoi bon ? Quelle injustice ! 440 pages

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Le téléfilm de 2011.

XIII. Germinal, 1885

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Le grand combat opposant les ouvriers aux bourgeois et au capital, reprĂ©sentant les germes d'une sociĂ©tĂ© nouvelle ! "Notre tour est venu !" Sans doute le roman le plus cĂ©lèbre de Zola... Le hĂ©ros en est Etienne Lantier, un des fils de Gervaise (de L'Assommoir) et frère de Nana qui a quittĂ© le Midi pour le Nord. Ayant du mal Ă  trouver du travail, et se demandant sans cesse quand la folie et l'alcoolisme de ses parents vont le rattraper, il se fait engager comme mineur de fond Ă  Montsou, dans la fosse du Voreux, oĂą il fait la connaissance de la famille Maheu : le vieux Bonnemort (50 ans de fond), son fils Toussaint, son admirable Ă©pouse dite la Maheude et tous leurs enfants, l'aĂ®nĂ© Zacharie, la douce Catherine, Jeanlin l'ado tĂŞte Ă  claques et maraudeur, puis une jeune bossue, deux petits de moins de 8 ans et enfin la petite dernière qui tĂŞte encore. Etienne rencontre aussi Souvarine, l'extrĂ©miste anarchiste venu de Russie, et Rasseneur qui, après des annĂ©es au service de la Compagnie, rĂ©flĂ©chit dĂ©sormais derrière le comptoir de son auberge. Jeune et idĂ©aliste, Etienne s'Ă©lève contre les conditions de travail et l'exploitation de ses pitoyables collègues, se dĂ©couvre un rĂ©el talent d'orateur et incite Ă  la grève gĂ©nĂ©rale... Celle-ci portera-t-elle ses fruits ? Car les patrons, eux, ne semblent pas entendre les cris de leurs ouvriers : les femmes continuent Ă  tromper leurs riches maris, les maris pleurent leurs illusions perdues, les filles continuent Ă  se promener, Ă  se rĂ©galer de chocolat et de brioche pendant que les ouvriers crèvent de faim et se demandent comment ils vont bien pouvoir survivre quelques heures de plus !

♫ Pierre Bachelet, "Les Corons"

Encore un grand personnage, que cet Etienne bouillonnant, passionné mais qui se cherche encore, épaulé par de belles figures comme les époux Maheu et la droite Catherine. Dans ce tome décoloré, en noir et blanc, la plume de Zola, d'une puissance incroyable, nous emmène sous terre, à travers tunnels et veines de charbon, au milieu d'un peuple besogneux, invisible et misérable, qui attend vainement un espoir, un changement. Certaines scènes de la 7ème partie sont d'une intensité presque insoutenable ; quant au tableau final, après un automne et un hiver absolument terribles, le grand "soupir douloureux" qu'on entend sous les champs qui renaissent : quelle beauté ! 503 pages

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Renaud (Etienne), Judith Henry (Catherine), GĂ©rard Depardieu et Miou-Miou (les Maheu) sous la direction de Claude Berri en 1993 (reportage d' "EnvoyĂ© SpĂ©cial" consacrĂ© au tournage du film).

XIV. L’œuvre, 1886

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Notes : Je lis souvent les romans de Zola par deux. Comment vous dire ?
Dès que j'ai refermĂ© un volume, je me rends compte que je n'ai absolument pas envie de quitter ce XIXe qui me charme tant. Il me faut rester Ă  cette Ă©poque, dans l'intimitĂ© d'un foyer de ce siècle, près de la cheminĂ©e, dans un salon, dans une chambre Ă  coucher, m'oublier dans le quotidien de ce temps-lĂ , racontĂ© sous cette plume-lĂ , avec ce talent fou qui permet d'entendre le bruissement d'une robe Ă  crinoline, les couverts qui s'entrechoquent, les roues des fiacres sous les fenĂŞtres et les flammes qui crĂ©pitent dans l'âtre. Je vois du brun, de l'ivoire, du velours rouge, de la grosse toile aussi parfois. Vous comprenez ? Ressentez-vous cela avec certains auteurs ?

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