Maudite histoire de France / histoire de France maudite !
(billet 2022 n°9)
Après une escale au Mexique, retour en France
avec deux récits pour le moins sombres...
Victor Dixen, Vampyria, tome 1 - La Cour des Ténèbres
Victor Dixen (né en 1979) est un auteur très en vogue depuis quelques années mais c'est la première fois que nous nous rencontrons. Alléchée par un billet de Lou paru l'an dernier, j'ai pu me procurer cet ouvrage à la médiathèque.
Nous sommes en 2015 mais, dans cette uchronie, c'est presque l'an 300... Car le calendrier a irrémédiablement changé depuis que les Ténèbres se sont emparées du monde. Depuis que Louis XIV, au soir de sa vie, s'est transmuté, devenant le Vampyre le plus puissant de la planète et faisant courber devant lui d'autres monarques et leurs sous-royaumes au coeur de la nouvelle "Magna Vampyria". Depuis lors, l'Immuable porte un masque en or et plus personne ne voit son visage ; les nobles vampyres, peu répandus en raison d'un sévère "numerus closus", font la loi et certains artistocrates sont prêts à tout pour accéder au statut d'immortels à leur tour ; les mortels, eux, leur servent de garde-manger, payant de leur sang la dîme des temps anciens mais toujours d'actualité. Le temps semble s'être arrêté au début du XVIIIe siècle et les inégalités sociales sont exacerbées ; les nuits sont cauchemardesques... D'autant que, parmi les créatures de la nuit, il faut aussi compter sur les goules et les stryges...
Cet automne-là, Jeanne Froidelac, roturière vivant en Auvergne, fille d'apothicaire, voit sa famille se faire décimer sous ses yeux... Ses parents et ses deux frères aînés faisaient partie des rebelles au système : des Frondeurs ! Dès lors, Jeanne est prête à tout pour gagner Versailles et venger la mort des siens : usurpation d'identité, tricheries, mésalliances, combats et coups bas, elle ne renoncera à rien pour parvenir à ses fins.
Un panier d'osier, rempli de pain chaud et de lard ; soulevant le torchon, je découvre une nouvelle miche de pain tranchée à la croûte dorée, mais aussi une motte de beurre frais soigneusement enveloppée dans du panier, accompagnée de trois petits pots de confiture.
"Miam ! Tout ça m'a l'air succulent ! je m'exclame en lorgnant le chariot où sont disposés de délicates verrines, des sablés poudrés, des tartes aux fruits confits... et deux grandes cafetières fumantes."
une soupière de bouillon fumant, la souris grise dans le velouté de champignons (beurk) et le cou clou du spectacle, évidemment, la Gorgée du Roy.
J'ai adoré l'idée de départ : un Roi-Soleil qui s'est éteint mais qui vit toujours, les codes de ce monde terrible mais cohérent, une jeune fille au caractère bien trempé... Certaines scènes sont franchement marquantes (les dernières sont carrément grandioses), l'écriture m'a paru résolument moderne et les personnages nombreux, variés et intéressants (on a même droit à un yokaï !). En outre, on ne s'ennuie pas une seconde. Par contre, je n'ai clairement pas apprécié certains choix de l'héroïne ; certains m'ont même mise mal à l'aise : c'est la raison pour laquelle cette lecture ne sera pas un coup de coeur bien que l'univers (re)créé par l'auteur soit assez phénoménal ! Chicky Poo l'a lu récemment, elle aussi.
491 pages
Eric Fouassier, Le bureau des affaires occultes
Paris, juillet 1830. Valentin Verne, jeune inspecteur de la Surêté, brigade récemment créée par l'ancien bagnard Vidocq, poursuit le travail de son père en traquant un criminel diabolique et à l'esprit tordu surnommé Le Vicaire ; Valentin espère aussi retrouver la trace d'une de ses petites victimes, Damien étant toujours porté disparu et vraisemblablement retenu prisonnier quelque part. En parallèle, son supérieur hiérarchique le charge d'une désarmante enquête : en effet, Lucien Duvergne, jeune aristocrate nouvellement associé à un groupe anti-royalistes (Louis-Philippe vient juste d'accéder au pouvoir), ayant des perspectives d'avenir réjouissantes et la tête bien sur les épaules, s'est pourtant défenestré au cours d'une soirée donnée dans l'hôtel particulier parental. Juste avant de se jeter dans le vide, il a contemplé un moment son reflet dans le miroir. Et ce n'est pas le seul décès qui suit ce surprenant schéma. Paris est plein de mystères en ce début de XIXe siècle... Lucienne, la jeune soeur de Duvergne, et Aglaé, une actrice de théâtre n'ayant pas froid aux yeux, aideront Valentin à avancer vers la clé de l'énigme.
Il prit le temps, comme à son habitude, de s'octroyer un rapide déjeuner sur le pouce. Devant l'éventaire d'un cafetier en plein air, il avala une grande tasse du breuvage rendu amer par la chicorée, ainsi qu'une rôtie au miel.
Saisissant l'occasion, il décida d'apaiser sa faim et commanda une omelette aux cèpes accompagnée d'un pichet de vin de Brie.
Une marchande de friture avait installé son éventaire non loin du seuil où se tenait embusqué Valentin. A portée de sa main gauche, s'élevait un monticule de pain, tandis qu'à sa droite, sur un réchaud surmonté d'une poêle, grésillait un mélange appétissant de saucisses, de boudins, de côtelettes de porc et de tranches de lard. Pour deux ou trois sous, le petit peuple du quartier pouvait acheter de quoi se restaurer.
Sur la table devant moi, il y avait une assiette avec trois belles tranches de jambon, des biscuits, des prunes et un grand verre d'eau rougie de vin. [...] J'ai soudain été pris de vertige. Tout s'est mis à tourner autour de moi.
J'avais lu de nombreux avis très positifs sur ce roman. Malgré tout, je me suis plutôt ennuyée dans les trois premiers quarts : j'ai trouvé l'intrigue un peu mollassonne et rien ne semblait véritablement "occulte". Le dernier quart a sauvé l'ensemble car je n'avais pas du tout vu venir les twists scénaristiques dont cette dernière portion est truffée ! J'ai, en revanche, d'emblée aimé croisé des figures historiques comme Vidocq et Mesmer, entre autres... Encore un roman tout récent que j'ai pu lire grâce à la médiathèque.
356 pages