Louise Penny, "Défense de tuer" (4)

Comme en septembre dernier, me revoici partie dans les Cantons-de-l'Est canadiens, grâce au challenge annuel de Karine et Yueyin ! J'y ai retrouvé avec grand plaisir l'enquêteur attitré de Louise Penny : l'inspecteur-chef Armand Gamache, chef du département Homicides de la Sûreté québécoise. Prêts pour un billet déco-littéraire ? ^_^

Gamache et son épouse tant aimée Reine-Marie séjournent au Manoir Bellechasse, un établissement de caractère, confortable, luxueux et rustique à la fois, non loin du village de Three Pines qu'on connaît déjà bien, et lové au bord du lac Massawippi : chaque année, au mois de juillet, ils célèbrent leur anniversaire de mariage dans cet antique refuge pour pêcheurs et chasseurs fortunés, s'offrant ainsi quelques jours de sérénité en amoureux. Salon, salle de restaurant, véranda, bibliothèque, fauteuils Adirondacks dans la pelouse et au bord du lac... Rien ne manque pour satisfaire les pensionnaires. Voilà par exemple comment je m'imaginais le grand salon de l'auberge :

Pour leur 35ème anniversaire, Armand et Reine-Marie se retrouvent à l'auberge en même temps que la richissime mais sinistre famille Finney-Morrow, venue découvrir la statue de Charles Morrow, le fier patriarche disparu quelques années plus tôt et attaché à ce lieu de villégiature. Le "monument", colossal, doit être érigé en lisière de la forêt. Bien vite, le rassemblement familial, d'emblée très très tiède, tourne évidemment au drame... Fort heureusement, l'inspecteur-chef veille.

Eh bien voilà encore un excellent moment de lecture-polar ! L'enquête, comme d'habitude, se trouve ficelée avec brio, conduite avec élégance et servie par un style infiniment agréable. Les protagonistes, notamment le personnel de l'hôtel (la chef Véronique en cuisine, le maître d'hôtel Patenaude, la gérante Madame Dubois, les jeunes saisonniers anglophones), sont croqués avec grand soin, chacun veillant au bien-être des hôtes, même insupportables, du petit-déjeuner au coucher. 
J'ai aussi aimé revoir, même brièvement, au hasard d'un pique-nique humide, les habitants de Three Pines auxquels je me suis précédemment attachée. L'équipe des inspecteurs est, elle aussi, toujours là, Jean-Guy Beauvoir (j'avais oublié son côté décalé, son point de vue caustique) et l'agente Lacoste en tête. Quant à la relation entre les époux Gamache, elle est tout simplement admirable : émouvante, simple et solide, surtout face aux souvenirs pénibles qui surgissent du passé.

Pour finir, le cadre de ce huis-clos estival (pourtant ponctué d'orages, de brumes et de pluie) est - vous l'aurez compris - absolument charmant. Très cosy, mmmm un régal ! En fin d'ouvrage, Louise Penny précise qu'elle s'est largement inspirée, pour ce roman, d'un lieu québécois bien réel, le Manoir Hovey, situé à North Hatley (ça fait rêver, non ?).

C'était comme un soupir doté d'une structure. Les clients se relaxaient, les jeunes trouvaient un foyer inattendu dans un emploi qui aurait pu être un enfer. Le Manoir Bellechasse avait peut-être été construit en bois et en clayonnage, mais c'est la gratitude qui servait de mortier. Il agissait comme un puissant isolant qui offrait une protection contre un environnement hostile. Des jeunes gens venaient y passer quelque temps et apprenaient à parler français, à faire un lit selon les règles de l'art, à préparer des sauces et à réparer des canots. Ils acquéraient de la maturité, puis rentraient chez eux, à l'Île-du-Prince-Edouard, en Alberta ou ailleurs au Canada, avec un amour pour le Québec - même s'ils n'en éprouvaient pas pour le subjonctif.

406 pages