Jolien Janzing, "L'amour caché de Charlotte Brontë"
Aujourd'hui, Lou et Cryssilda nous proposent de parler des Victoriens, au sens large. L'occasion de commenter un roman très intéressant et parfaitement documenté, repéré chez Pedro l'an passé et que je viens tout juste de refermer :
1842. Charlotte Brontë, 25 ans, et sa soeur cadette Emily quittent le presbytère d'Haworth, leur lande chérie ainsi que leurs père, frère et soeur Anne, pour gagner la Belgique. Plus exactement, la pension Heger, un établissement d'éducation pour jeunes filles aisées, sise à Bruxelles. L'appétissante Mme Heger dirige l'école tandis que son époux Constantin, un homme charpenté, peu élégant mais qui aime bien flirter avec les pensionnaires, dispense les cours de français. Très vite, alors qu'Emily fait montre de son talent et de sa personnalité tourmentée dans ses rédactions, Charlotte, qui souhaite aussi embrasser la carrière d'écrivain, tombe sous le charme de M. Heger. La passion la consume peu à peu, elle qui pourtant refusait les hommes et le mariage, se résignant à rester célibataire, en vivant si possible de sa plume : l'évolution de ses sentiments dévorants est très bien rendue dans le roman. Comment réagira Heger, parfaitement conscient de l'attrait qu'il exerce sur Charlotte ? Et dire qu'elle venait chercher la liberté à Bruxelles ! La voilà enchaînée à un homme ; elle-même ne se reconnaît plus ; elle, une fille de pasteur ! J'ai d'ailleurs beaucoup aimé le contraste entre les deux frangines : Emily, solitaire, nostalgique, sauvage, brillante, face à son aînée, manquant de confiance en elle et faisant tout pour être appréciée. Charlotte fera en tout cas de Heger son Rochester dans Jane Eyre... Quant à l'expérience de la jeune femme comme pensionnaire puis comme enseignante rue d'Isabelle, elle lui inspirera aussi son roman Le Professeur, que je n'ai pas encore lu.
En parallèle, on suit le roi Léopold de Belgique, oncle de la Reine Victoria : frustré dans son mariage, celui-ci s'est entiché d'une toute jeune beauté issue de la haute bourgeoisie, Arcadie Claret, presque 16 ans, dont la mère, éblouie par les fastes de la cour, veut faire une maîtresse royale.
Deux hommes qui jouent avec deux coeurs fragiles...
Voilà un ouvrage passionnant, porté par un souffle à la fois historique, littéraire et dramatique. Au début toutefois, j'ai été dérangée par la façon dont l'auteure prend à partie et interpelle le lecteur en quasi permanence : l'histoire est d'ailleurs racontée au présent pour mieux nous plonger dans l'intrigue. Mais au bout du compte, je me suis laissée emporter avec grand plaisir dans cette reconstitution finalement fort bien écrite (et brillamment traduite).
330 pages
Nota Bene - L'été dernier, Shelbylee nous emmenait voir l'expo Charlotte Brontë à la National Portrait Gallery de Londres. Et aujourd'hui, Fanny du Cottage aux Livres commente les Lettres choisies de la famille Brontë.