♡ Colson Whitehead, "Underground Railroad"
Tout aussi fort que La dernière fugitive, ce roman de Colson Whitehead, qui a d'ailleurs remporté le Prix Pulitzer l'an passé, m'a semblé néanmoins plus fluide et plus haletant. Il aborde ce même sujet terrible que représentent l'esclavage et le destin des Africains emmenés de force aux Etats-Unis, mais se déroule avant la guerre de Sécession entre la Géorgie, la Caroline du Nord, la Caroline du Sud, le Tennessee et l'Indiana.
Dans des chapitres clairs, vifs et bien pensés, on nous raconte le parcours de Cora, jeune esclave cueillant du coton sur l'effroyable plantation Randall en Géorgie. Elle n'a que 16 ans mais garde une sourde rancoeur envers sa mère, Mabel, qui s'est enfuie en la laissant derrière elle, 6 ans plus tôt. Qu'est-il advenu de Mabel ? Cora ne le saura jamais... Mais ce qu'elle sait, c'est qu'elle veut fuir à son tour. Aux côtés de Caesar, qui a su voir en elle la force, la ténacité et le courage nécessaires à un tel projet. Une entreprise suicidaire : si le maître les récupère, ils seront lynchés, pendus, brûlés ou pire encore ! Empruntant le Chemin de Fer Clandestin, que Colson Whitehead a choisi de matérialiser physiquement en imaginant de vraies gares souterraines secrètes, les jeunes gens espèrent voyager vers la liberté... D'abominables désillusions en moments d'apaisement, la peur toujours au ventre, ils rêvent pourtant de mieux. Ce serait tellement beau si le peuple américain se réconciliait enfin avec les Indiens (les Cherokees se trouvent largement évoqués, ainsi que leur horrible "Trail of Tears") et avec les Noirs qu'il a tant fait souffrir. Mais Cora rêve également de revanche... et nous emmène avec elle alors qu'elle tente de semer l'impitoyable chasseur d'esclaves Ridgeway et sa bande.
Quelle épopée ! Des rives africaines à la lumière de l'Ouest où tout est possible, ce roman est une grande réussite. Personnages forts, éléments d'archives poignants, réalisme cruel, révoltant mais nécessaire pour mieux réaliser : c'est un immense coup de coeur, dévoré en 2 jours seulement, bien documenté mais toujours limpide... Merci, Totoro, pour le présent ! ^_^
398 pages
A lire aussi (entre autres) : les chroniques d'Enna, Entre les Pages, Estelle et Gambadou.