Janine Montupet, "Un goût de bonheur et de miel sauvage"
Banlieue parisienne. La très attachante Mérotte (de son vrai prénom Charlotte) est, à 85 ans, la doyenne de la dynastie Leduc : 5 générations de grands chefs (étoilés ou non) et leurs épouses ou filles, baignant dans le monde de la gastronomie et des ors des plus grands vins.
Mérotte, née à la fin du XIXe siècle à Brignoles dans le Var, était déjà, toute jeune, célèbre dans le canton pour ses plats aux accents colorés du sud : bouillabaisse, aïoli, tapenade, farcis... Formée par sa propre mère, la lingère, elle épouse ensuite Félicien, maraîcher, et découvre avec lui de nouvelles possibilités pour marier légumes et plantes aromatiques. Et puis, une fois veuve de guerre, c'est Paris qui l'accueille : elle y devient marchande de soupes aux Halles (il y a d'ailleurs du Zola dans ces chapitres foisonnants), avant que les "sandvitches" ne sonnent le glas de cette époque et de mettre au monde son petit Mathieu. Elle adopte ensuite Carla, avant d'ouvrir son premier restaurant, inspirée par le vieux cahier de recettes que tenait la cuisinière d'une grande maison bourgeoise parisienne (ah, cette cuisine blanche à base de crème et de beurre !).
Plus tard, Mathieu, attiré tout à la fois par les bateaux et les fourneaux, deviendra cuisinier à bord du Normandie : des centaines de traversées Le Havre-New York (pages fascinantes venues d'un autre temps : on y croise Marlene Dietrich, des milliardaires américains, on y visite les appartements de luxe, tous les ponts et salons du bâtiment, y compris celui réservé à la promenade des lévriers), jusqu'à l'immobilisation outre-atlantique quand survient la Seconde Guerre Mondiale. Viennent ensuite les années dans les cuisines du Ritz (Hemingway trouve le prénom de la fille de Mathieu, Ritzie), la naissance d'Alexandre, l'association avec le grand restaurant des Villar, les étoiles au Michelin, la compagnie du peintre Marc Chagall. Enfin, la 5e génération avec Drina, qui a étudié la gastronomie aux USA, à l'université de Cornell, New York (la boucle est ainsi bouclée)...
Si j'ai eu un peu de mal avec l'écriture au début (le style m'a paru assez ampoulé, après plusieurs lectures jeunesse), j'ai ensuite beaucoup apprécé cette saga familiale savoureuse parue en 1994, évoquant les cuisines des plus illustres établissements, évidemment, mais aussi les amours, les regrets, les fautes pardonnées, le thème de la transmission et de la vocation. Le contexte élégant et raffiné m'a fait penser à mon cher roman suranné Le mois de septembre de Frédérique Hébrard (dont je parle notamment ici). Un truc m'a quand même un peu gênée : la place des femmes qui, même si elles sont les véritables héoïnes du livres, restent tout de même souvent dans l'ombre des hommes.
Merci à ma collègue Catherine pour la découverte ! ^_^
439 pages